Fabienne Montmasson-Michel
Accompagner de lycéens et lycéennes d’ULIS Lycée pro TCF à la réflexivité professionnelle : entre déconstruction du stigmate et violence symbolique
La communication reviendra sur une recherche collaborative appliquée visant à accompagner la réflexivité professionnelle de jeunes scolarisés en ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire) lycée pro TFC (troubles des fonctions cognitives) à partir d’images du travail. Elle a impliqué 11 jeunes volontaires (7 filles et 5 garçons), des coordonnatrices et coordonnateurs d’ULIS, des tuteurs et tutrices de stage en entreprises et une équipe de 4 chercheur·se·s. Des entretiens sociologiques (avec les jeunes et les coordonnatrices d’ULIS) ont complété les rencontres et les entretiens, individuels et collectifs, autour du travail des images. Le projet est une réussite dans la mesure où il a permis de rouvrir pour ces jeunes, dans l’espace étroit de certains métiers subalternes, un espace des possibles que la socialisation antérieure avait rétréci.
En portant sur la situation et les individus qui y sont impliqués un regard sociologique à la fois compréhensif et critique, la communication interrogera tout d’abord le périmètre de l’ULIS LP TCF : ce qui fait trait commun entre ces jeunes est bien plus un parcours scolaire profondément heurté et a-normal qu’un « type de handicap ». Puis on soulignera la dualité de ce projet de recherche collaboratif au sein des ULIS. D’un côté, l’accompagnement a permis, au moins pour une partie des jeunes, de déconstruire le stigmate de la déficience intellectuelle en les amenant à élaborer et donner à voir leur réflexivité. Ce faisant, elle leur a permis de se construire une identité positive de travailleur ou de travailleuse et d’envisager une intégration sociale au sens de Robert Castel (i. e. une affiliation par le travail). En même temps, le projet vise objectivement à transformer en salariés subalternes autonomes et productifs des jeunes qui ont été relégués précocement aux marges de l’institution scolaire. Sous cet angle, elle contribue à la violence symbolique qui s’exerce dans une société hautement scolarisée à l’encontre des personnes catégorisées comme porteuses de handicap mental.
Bibliographie indicative :
Agraz, A. (2022, juin 15). Entretiens d’auto-confrontation et accessibilité à la compréhension de l’activité lors des stages. Le cas des élèves scolarisés dans un dispositif ULIS. Actes du colloque. 6 ème Colloque International de Didactique Professionnelle 2022, Lausanne, Suisse. https://www.hetsl.ch/fileadmin/user_upload/evenements/rpdp/comm-orales/AGRAZ_Antoine.pdf.pdf
Bodin, R. (2018). L’institution du handicap : Esquisse pour une théorie sociologique du handicap. La Dispute.
Bodin, R., & Douat, É. (2015). Un âge refusé. Le difficile accès au statut d’adulte des jeunes handicapés. Agora débats/jeunesses, N° 71(3), 99‑110.
Castel, R. (1999). Les métamorphoses de la question sociale : Une chronique du salariat (2e édition. 1995 pour la première édition chez Fayard., Vol. 1‑1). Gallimard.
Eideliman, J.-S. (2012). La jeunesse éternelle. Le difficile passage à l’âge adulte des personnes dites handicapées mentales. In A. Chamahian & C. Lefrançois, Vivre les âges de la vie. De l’adolescence au grand âge (p. 159‑174). L’Harmattan. https://hal.univ-lille.fr/hal-01241930
Goffman, E. (1975). Stigmate. Minuit.
Jacques, M.-H. (2015). Accompagner la transition élève/travailleur chez l’adolescent handicapé : Quels appuis, quelles ressources pour une accessibilité accrue vers l’emploi ? In Accessibilité et handicap (p. 155‑175). Presses Univ. de Grenoble.
Kherroubi, M., Millet, M., & Thin, D. (2018). Enseigner dans les marges. Sociétés contemporaines, N° 109(1), 93‑116.
Lansade, G. (2019). De la difficulté à être reconnus « capables » et « compétents » : Des adolescents et jeunes adultes désignés handicapés mentaux en quête d’autonomie. Alter, 13(1), 29‑42. https://doi.org/10.1016/j.alter.2018.09.005
Palheta, U. (2012). La domination scolaire. Sociologie de l’enseignement professionnel et de son public. PUF.